La carrosserie AD Jouannic à Vannes (56), également AD Expert, a relevé un défi généralement complexe pour une entreprise de réparation multimarque : intégrer en contrat de qualification un collaborateur en situation de handicap -en l’occurrence Dénis, un jeune carrossier-peintre malentendant. Un défi qui demande autant de motivation de la part de l’apprenti que de l’entrepreneur. Véronique Blaise, cogérante de la carrosserie AD avec son époux Éric, a raconté sur France 3 le parcours de l’entreprise pour réussir à accueillir et former pleinement Dénis…
Portrait de Dénis dans l’entreprise, ou comment s’intégrer dans une équipe aussi bien que l’équipe l’a intégré…
Éric Baise et son épouse Véronique sont entrés dans l’entreprenariat en 1985, en reprenant une première carrosserie à Ploeren (Carrosserie Kerthomas), près de Vannes. Forts du succès de la première entreprise, ils en ouvriront une seconde en 2000 à Vannes même : la carrosserie Jouannic. Toutes deux sous enseigne AD, elles emploient aujourd’hui une vingtaine de personnes.
C’est dans leur second établissement qu’ils ont rencontré Dénis Binaku, un jeune de 20 ans venu plusieurs fois en stage de carrosserie durant l’obtention de son CAP de carrossier-peintre. Mais malgré son souhait d’entrer immédiatement dans la vie active, l’embaucher à ce niveau de formation était compliqué pour la carrosserie Jouannic, sauf à compléter ce cursus de base par un nécessaire CQP. En décembre dernier, Dénis accepte de suivre préalablement cette formation complémentaire. Convaincus de sa volonté de devenir carrossier-peintre malgré la surdité qui l’accompagne depuis son plus jeune âge, Éric et Véronique décident de l’accueillir en décembre dernier pour les 22 mois que doit durer cette formation.
La motivation, Dénis l’avait assurément. Et c’est aussi ce qui a donné aux deux entrepreneurs l’envie de surmonter tous les obstacles pour rendre sa venue possible. « Dénis nous a vraiment donné envie de nous surpasser. Il a l’envie et la force ; on se devait de faire les mêmes efforts que lui », expliquait Véronique dans une interview récemment donnée à France 3 Bretagne. Pour elle comme pour Éric, le handicap est et doit rester « un détail ». « Des handicaps, il y en a de toutes sortes ; la timidité ou un parcours familial compliqué en sont aussi. L’important, c’est que le jeune ait l’envie manifeste de dépasser ce handicap, qu’il soit visible ou invisible ».
Un apprentissage pour l’entreprise aussi
Mais Véronique veut que l’accueil de Dénis soit un succès. Elle va donc entreprendre son propre apprentissage : débroussailler un long et complexe chemin administratif afin de préparer au mieux l’arrivée du jeune collaborateur et l’adaptation nécessaire de son poste de travail. « Il a fallu trois mois pour identifier les bons organismes, construire le dossier, en comprendre les mécanismes avant même d’entreprendre l’intégration, se souvient Véronique. Notamment la nécessité de trouver un interprète en langage des signes et d’organiser sa présence pour qu’il puisse pleinement profiter de son apprentissage et devenir rapidement opérationnel, ce qui est aussi important pour la carrosserie que pour lui-même ».
Mais la motivation de Véronique comme d’Éric Blaise était solide. Et ce long chemin de préparation, durant lequel elle a identifié un à un des organismes utiles et toujours de bon conseil, l’ont d’abord convaincue d’une évidence : l’entreprise prête à accueillir un apprenti en situation d’handicap n’est jamais rétribuée pour le faire. Elle peut juste espérer des compensations ; être soutenue dans ses nécessaires efforts d’adaptation. Les divers organismes apportent ainsi des aides financières, techniques et humaines pour adapter les postes de travail, pour fournir en l’occurrence un interprète, va ainsi préciser Hélène Grimbelle, déléguée régionale de l’Agephip pour la Bretagne dans l’interview donnée par la Carrosserie Jouannic sur France 3 (voir vidéo ci-dessous).
Former pour transmettre
Et si c’était à refaire ? Ils le referaient, souligne Véronique qui insiste sur la volonté manifeste de Dénis de s’investir dans sa formation comme dans l’entreprise. L’embauchera-t-elle après cette formation ? « Evidemment, répond-elle ; c’est l’objectif de cet apprentissage comme de tous les autres. Nous sommes aussi chefs d’entreprise pour transmettre et nous avons toujours voulu accueillir des apprentis », rappelle-t-elle en soulignant que si l’ensemble des entreprises d’entretien-réparation faisait de même, les problèmes structurels de recrutement seraient bien moins importants.
Mais elle n’est pas naïve non plus : « même si nous sommes sûrement la seule profession à payer pour former et si personnellement je trouverais normal que l’effort consenti pour des apprentis devrait s’accompagner en retour d’un engagement de présence pour une certaine durée comme cela se pratique dans l’administration ou à l’armée, je sais aussi que nous formons les jeunes pour eux, pour leur avenir ».
Mais en tout cas, voilà Dénis prévenu : s’il continue à montrer la même motivation, la même soif d’apprendre et la même envie de faire partie de l’équipe, un job est prêt pour lui dans l’une des deux carrosseries de Véronique et d’Éric !
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